
Ethique et Douleur
Enjeux de la relation soignants-soignés
A- Douleur : enjeux de la relation soignants soignés ; quelle approche phénoménologique ?
La plaie, ses douleurs qui font rage, ne sont rien,
Face à la détresse, la souffrance infernale,
D’être condamné à ce ministère.
Amfortas 113 Parsifal Richard Wagner
L’amélioration des soins donnés aux malades s’accompagne aujourd’hui d’une indispensable réflexion sur la douleur et sur le lien entre souffrance et douleur. La nécessité de prendre en charge la demande des personnes amènent à s’interroger sur les éléments d’ordre physiques, psychiques, relationnels et sociaux en jeu dans la relation qui se noue entre patients et praticiens. En effet l’approche relationnelle et psychologique enseigne que “ j’ai mal ” signifie “ je suis mal ”, “ je me sens mal ”, c’est à dire diminué, dévalorisé,
handicapé, aux frontières de la douleur organique, psychique mais aussi de la souffrance sociale.
En Avril 1999, le secrétaire d’état à la santé, annonçait la mise en place d’un plan de lutte contre la douleur de trois ans. Ce plan incite à une action globale auprès des professionnels mais aussi auprès du public.
Parmi les axes de ce plan sont recommandés :
- Les actions qui permettent d’améliorer la prise en compte de la demande des patients,
- Le développement de la formation et de l’information des professionnels de la santé,
- L’information du public.
Par ailleurs, l’OMS définit la Santé comme “un bien-être physique, psychique et social“. Dans cette acception, la souffrance et la douleur sont à considérer comme une atteinte corporelle et mentale à l’intégrité de l’individu; elles interfèrent alors fortement avec la qualité de vie. Elles doivent alors être traitées, mais en s’assurant des désirs réels du patient de manière à ne pas apporter une réponse inadaptée.
Il demeure néanmoins un décalage entre ces intentions et la réalité de terrain. Les connaissances théoriques sur la douleur ou la souffrance et leurs traitements se sont accumulées ces vingt dernières années [1], sans pour autant qu’en pratique les soignants soient en mesure de les mettre en application, certes en partie par manque de moyens, mais aussi par manque d’intégration de cette problématique dans les cursus de formation et dans la réalité des pratiques de soins au quotidien.
Par ailleurs, au-delà de la mise à disposition des thérapeutiques, des structures et des moyens, il sera essentiel de s’interroger sur le sens de la prise en charge de la personne qui souffre, dans son intimité, son histoire et ses dimensions affectives, sociales et culturelles et du sens que prend la douleur par rapport à l’évolution d’une pathologie.
La douleur en cancérologie
Les douleurs dans la pathologie cancéreuse sont particulièrement illustrative de la problématique. Premièrement parce qu’elles n’ont pas le rôle de signal d’alarme comme c’est souvent le cas dans d’autres contextes pathologiques ; les cancers sont rarement détectés à l’occasion de manifestations douloureuses. Celles-ci surviennent plus ou moins tardivement, à un stade avancé de la pathologie cancéreuse. Deuxièmement, les douleurs dans le cancer peuvent être provoquées par le traitement thérapeutique ou être la conséquence de l’évolution de la pathologie.
Les douleurs chroniques dans le cancer peuvent être classées selon trois catégories: elles sont soit directement liées au cancer, et dans ce cas apparaissent suite à la progression de la pathologie, ou suite au traitement. Les douleurs chroniques peuvent être préexistantes et se surajouter aux douleurs induites par le cancer. Et enfin, le troisième contexte est celui des douleurs chroniques qui apparaissent en phase terminale de la maladie.
Par ailleurs, la symptomatologie algique peut être associée à des composantes psychologiques qu’il est nécessaire de prendre en compte. Pour beaucoup de patients cancéreux, l’étiologie de la douleur est le résultat de plusieurs composantes physiopathologiques (sensitifs, cognitifs, affectifs) contribuant à un syndrome douloureux complexe défiant toute tentative de classification et nécessitant une réflexion sur les concepts des phénomènes douloureux et la notion plus générale de souffrance.
Pour les douleurs liées à la progression de la pathologie cancéreuse, la majorité des cas de douleur sont en relation directe avec l’envahissement tumoral, elles ont des localisations osseuses dues aux métastases ou créent des compressions et des infiltrations des structures nerveuses. Les douleurs abdominales sont diffuses et résistent à une topographie précise, les infiltrations des vaisseaux sanguins par les cellules tumorales entraînent des lymphangites périvasculaires et des vasospasmes qui créent des douleurs d’intensité progressive à type de brûlures. Enfin, on peut recenser les nécroses, et les conséquences inflammatoires en rapport avec la lésion qui causent également des douleurs intenses.
Dans 19 à 25% des cas, les douleurs sont liées aux traitements du cancer. Ainsi, apparaissent des douleurs post-chimiothérapiques (neuropathies périphériques, fractures pathologiques…), des douleurs post-radiothérapiques (myélopathies post-radiques, tumeurs neurogéniques radio-induites…) et des douleurs post-chirurgicales (douleurs post-thoracotomie, douleurs d’amputation, douleurs de membre fantôme…).
Dans 3 à 10% des cas, les douleurs sont préexistantes et sans rapport avec le cancer et son traitement. Au terme de cette énumération des différents types de douleurs qui apparaissent dans le contexte du cancer, il apparaît que le diagnostique étiologique est la première stratégie de l’équipe médicale, qui devra ensuite privilégier une des possibilités thérapeutiques.
L’efficacité des prises en charge de la douleur découlera de ce travail étiologique. Ainsi, en traitement curatif de la douleur, la radiothérapie à faible dose possède un effet antalgique propre, même sur des tumeurs volumineuses, mais sa durée est restreinte. Les limites de cette technique tiennent aux doses limitées acceptables pour l’organisme irradié et à l’impossibilité de réirradier un territoire. Les limites tiennent également au caractère souvent diffus de la douleur qui oblige à élargir le champ d’irradiation, ce qui entraîne un retentissement hématopoïétique qui peut empêcher une chimiothérapie ultérieure. Enfin, le traitement médical spécifique (chimiothérapie, hormonothérapie et nouvelles biothérapies) est la troisième stratégie qui peut être associée à d’autres thérapeutiques; elles ont des indications spécifiques pour le traitement de la douleur dans le cancer sans être anti-tumorales, il s’agit par exemple d’anti-inflammatoires non stéroïdiens. Les traitements médicaux anti-tumoraux ont pour avantage d’être systémiques, donc de traiter simultanément plusieurs cibles tumorales responsables de douleurs, mais leurs inconvénients sont connus: toxicité parfois douloureuse, durée de prescription parfois limitée mais aussi acquisition de résistance avec échappement tumoral.
Ainsi la prescription d’un traitement anti-tumoral doit tenir compte de facteurs individuel, à savoir l’âge, l’état général du patient et ses constantes biologiques, et par ailleurs les facteurs tumoraux, c’est à dire la chimio-hormonosensibilité, la topologie des cibles à traiter, les thérapeutiques antérieures qui peuvent être cause de mauvaise efficacité et de résistances. Enfin, dans les recommandations thérapeutiques, il est reconnu que le traitement doit être adapté aux objectifs fixés, c’est à dire selon que l’on se trouve en situation curative ou en situation palliative.
Devant le phénomène douloureux, les antalgiques généraux sont utilisés (anti-inflammatoires non stéroïdiens, opiacés). Dans ce dernier cas, il s’agira en priorité de prendre en compte l’amélioration immédiate de la qualité de vie, et de ce fait, de prendre en charge la douleur qui l’altère.
La douleur comme phénomène complexe
Suite à cette première présentation physiopathologique de la douleur, il apparaît qu’elle est un phénomène complexe qui peut naître de différents contextes, elle peut avoir plusieurs mécanismes (neuropathiques, nociception) et peut se manifester selon diverses topographies. Elle peut aussi être modulé (dans un sens négatif ou positif) par la psychologie de chacun, par ses activités, par son environnement affectif et/ou matériel.
De cette complexité et de ses différentes modalités de manifestation, les douleurs requièrent d’être traitées en fonction du contexte dans lequel elles apparaissent, et implique aussi d’être abordées en fonction de l’individu qui la subit.
C’est à partir de la prise en compte de ce versant vécu que l’on retrouve la définition de la douleur par l’AIED. La problématique de la douleur réside dans le fait que la douleur est une expérience. Selon la définition de l’Association Internationale d’Etude de la Douleur (AIED): “la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle liée à une atteinte tissulaire réelle ou potentielle”. Ainsi, la douleur est d’abord une expérience, c’est dire un phénomène vécu individuellement, et subjectivement. Les notions d’individualité et de subjectivité sont essentielles pour étudier la douleur, car celle-ci montre deux aspects essentiels. Premièrement, la douleur est relative à un individu, en cela elle dépend de l’individualité biologique, et rend possible le fait qu’un organisme réagisse différemment par rapport à un autre, ce qui implique d’y adapter la thérapeutique. Ainsi, le médecin va devoir interpréter un phénomène qui lui est extérieur, et adapter son jugement aux paramètres qu’il connaît de cette individualité. Deuxièmement, la notion de subjectivité est également essentielle, car elle considère l’individu qui vit la douleur comme un sujet, ce qui est essentiel du point de vue philosophique car le sujet est l’individu capable de juger, de distinguer entre les normes dans lesquelles il est impliqué, et de choisir. Le sujet est celui qui est capable de juger en faisant des comparaisons, d’adhérer à des valeurs. Cette acception de la notion de sujet n’est pas seulement valable du point de vue moral, mais aussi du point de vue de l’existence. Ainsi, reconnaître la douleur comme une expérience, c’est à dire comme un phénomène individuellement et subjectivement vécu, c’est la considérer du point de vue de la conscience, et non exclusivement de celui de la science.
La douleur est, et existe, chronologiquement et essentiellement d’abord au sein d’un vécu. Une telle définition de la douleur justifie qu’on l’aborde à partir de son expression par celui qui la subit, à partir de ce qu’elle a d’originaire: son incarnation dans une existence, dans un vécu subjectivement normé, qualifié et jugé.
Comme tous les symptômes pathologiques ressentis par les patients, la douleur est paradoxale car elle demande à être traitée objectivement, alors que par ailleurs, elle est un phénomène subjectif, vécu par la personne, et relève ainsi de sa perception, de sa sensibilité qui sont par définition des phénomènes subjectifs. La douleur ne se laisse décrire que par analogie (“ça brûle”, “ça me tiraille”…), et pourtant, le médecin doit décrypter cette description de la douleur pour pouvoir la définir et la traiter. Ainsi, la douleur existe selon deux modalités, celle du malade qui doit la décrire et par-là l’objectiver en la décrivant, et celle du médecin qui, pour l’objectiver et donc la soigner, doit l’aborder aux confins de la subjectivité à laquelle il est au départ étranger. La douleur est paradoxale en ce qu’elle est une expérience qui demande à être partagée, du moins comprise pour être traitée mais sans jamais pouvoir être partagée. Elle cristallise la limite d’appréhension et de compréhension entre deux individus qui sont dans un monde commun par leurs perceptions, leurs sensations et leurs émotions propres, qui ne peuvent partager leurs expériences qu’en se référant au rapport qu’ils ont eux- même au monde, aux autres et à leurs propres corps. Face à ce paradoxe de la douleur se pose alors la question de savoir comment le médecin a accès à cette douleur par delà ses manifestations symptomatiques? Comment a t-il accès à l’individu douloureux et pas seulement à la douleur de l’individu? Ce point requiert que les représentations que le patient se fait de sa maladie soient détectées, car ces dernières sont l’élément médian qui permet la compréhension du phénomène douloureux par le médecin.
Un second paradoxe apparaît dans le cas spécifique de la douleur dans le cancer: elle peut être provoquée par la thérapie engagée pour lutter contre la pathologie cancéreuse. Ainsi, la douleur est une pathologie qui se surajoute à la pathologie initiale, et naît de son traitement.
La méthode phénoménologique
Face à cette problématique des douleurs la méthode phénoménologique est un apport à la pratique du soin.
La phénoménologie représente une nouvelle voie dans l’histoire de la philosophie et de la médecine car elle tente de réconcilier deux discours, deux approches du réel: à savoir le discours objectiviste qui traite toute réalité comme une détermination naturelle et positive, régie par des lois, et le discours psychologiste qui réduit toute propriété à un état psychique du sujet. Le but de la phénoménologie est de redonner à la conscience sa fonction première d’appréhension du monde, de la replacer au centre de la relation que le sujet entretient avec les phénomènes tels qu’il les perçoit et les vit.
C’est avec Hegel [2] qu’apparaît en philosophie le terme de phénoménologie défini comme la “science de l’expérience de la conscience”; mais c’est plutôt avec Husserl qu’elle s’érige en une méthode d’investigation du réel à partir du corps, et de la conscience. Dans la Philosophie première [2], Husserl définit la phénoménologie comme une nouvelle manière de regarder les choses autour de nous, de les décrire scientifiquement. Elle est une tentative pour rejoindre un monde concret et vécu, elle est une recherche du sens des phénomènes en tant qu’ils nous apparaissent toujours selon des modes multiples et singuliers; ainsi, elle tente de sonder l’expérience que nous avons du monde à partir de la conscience qui définit cette même expérience.
Pour la phénoménologie, la conscience est toujours immédiatement ouverte sur les objets du monde, elle tend vers eux: la conscience est intentionnelle, c’est à dire qu’elle vise ce qui est extérieure à elle. La phénoménologie est une conversion du regard qui se tourne vers le champ des vécus de la conscience, et permet d’atteindre tout objet comme vécu d’après le sens que lui confère la conscience qui s’y trouve confrontée.
La conscience est, selon Husserl [3], tout ce que vit un être en tant que son vécu est intentionnel, c’est à dire dès qu’il vise autre chose que lui, à savoir la transcendance, l’altérité (relation à l’autre).
Dans la perspective phénoménologique, le contact avec le monde est au cœur de la conscience qui reconstitue ce monde.. Le perçu devient alors la première assise de nos expériences. Ainsi avec la méthode phénoménologique de Husserl, le monde, l’autre et le temps sont constitués à partir de la conscience et de son expérience par la perception. Du fait que la douleur est une perception immanente, c’est à dire une perception visant un phénomène intérieur à la conscience elle-même, elle est un phénomène directement vécu, et devient une expérience qui influence le rapport que le sujet entretient avec le monde, les autres et lui-même. Une approche phénoménologique de la douleur vise donc à aborder ce phénomène à partir de la conscience, et pas uniquement à partir de son existence physiopathologique.
A la suite de Husserl qui a posé les fondements d’une méthodologie phénoménologique, Merleau-Ponty poursuivra cette perspective en 1945 avec La phénoménologie de la perception [4]. Dans l’avant-propos de son ouvrage, Merleau-Ponty définit la phénoménologie comme “une philosophie qui replace les essences dans l’existence, et ne pense pas qu’on puisse comprendre l’homme et le monde autrement que par leur facticité(…).
Dans la même perspective que Husserl, Merleau-Ponty aborde le réel à partir de la conscience et de l’expérience qui génère la construction du monde. Pour lui l’existence précède la science, le monde se dispose d’abord autour de moi, et commence à exister pour moi, ma conscience le rend cohérent. Cette expérience du monde est ce qui rend la science consistante et significative. Ainsi, comme objet de science, la douleur appartient à ces objets qui sont d’abord vécus, éprouvés avant d’être connus, objectivés. Merleau-Ponty redonne sa place originaire au sujet dans l’expérience des phénomènes.
L’histoire perceptive du sujet s’organise donc à partir de ce corps qui constitue le point de référence. Le corps est le socle de la cohérence de mon expérience du monde. Il est intéressant de présenter la conception de la maladie que présente Merleau-Ponty à la suite de sa définition du corps. A travers les exemples de l’anosognosie et du membre fantôme [4], Merleau-Ponty pose le problème de l’insuffisance des explications physiologiques et psychologiques si elles sont distinctes. L’homme n’est pas un psychisme joint à un organisme mais un “va et vient” de l’existence qui selon la situation sera un être corporel ou se portera aux actes personnels et volontaires. Le corps détermine le rapport au monde: avoir un corps, c’est se joindre à un milieu défini et s’engager dans des projets.
Ainsi, le refus de la déficience est refuser de ne plus pouvoir s’engager dans les mêmes projets, c’est refuser de changer sa place dans le monde et parmi les autres. Les cas de l’anosognosie et du membre fantôme sont, pour Merleau-Ponty, l’occasion de formuler une distinction conceptuelle: le corps habituel, c’est à dire le référentiel de notre expérience, celui qui détermine nos normes d’existence; et le corps actuel qui est soumis aux variations, à la maladie et à la douleur. Ainsi, le corps habituel constitue la représentation que nous avons de la relation que nous entretenons par le corps avec le milieu environnant, ses exigences et avec les autres; il est également la source de la représentation de notre place dans ce monde. Sur fond de cette distinction conceptuelle, il est intéressant de poser la question de la perception du corps actuel, par rapport à la représentation du corps habituel dans le contexte de la pathologie cancéreuse.
La phénoménologie permet donc d’aborder les phénomènes à partir de la conscience, et de leur intégration au sein d’une expérience d’un individu donné, chacun ayant une spécificité.
Le normal et le pathologique [5] de Canguilhem utilise la méthodologie phénoménologique appliquée. Canguilhem se place précisément dans une perspective phénoménologique quand il redéfinit les concepts de normal et d’anormal à partir de l’expérience qu’en a le sujet.
Pour Canguilhem, il n’y ait pas de “normal et de pathologique en-soi”, c’est à dire qu’il n’existe pas de norme objective concernant le vivant, ni une essence de la santé parfaite. “L’homme normal, c’est l’homme normatif, l’être capable d’instituer de nouvelles normes, même organiques” [5] . La normativité ne peut être comprise chez Canguilhem que par référence à l’individu qui juge des nouvelles normes de vie dont il fera l’expérience. Cette notion implique deux idées essentielles : la première qui est que le vivant humain a la capacité d’être infiniment autre, de se modifier devant les sollicitations extérieures; la seconde implication est qu’il n’y a de norme que subjective, c’est à dire vis-à-vis de l’individu qui évalue son mode d’existence modifié. Nier l’objectivité, c’est redonner voix à la subjectivité qui se sent normale ou qui se sent malade. Si l’homme normal est celui qui éprouve son existence, qui jauge sa normativité, cela implique que la frontière entre le normal et le pathologique soit pensée sur fond de subjectivité, donc d’expérience; ainsi, cela suppose que le sujet soit conscient de ses normes d’existence et de leurs variations. L’anomalie est l’illustration de ce seuil : “Être anormal, c’est s’éloigner par son organisation de la grande majorité des êtres auxquels on doit être comparé(…) L’anomalie prise en général est un concept purement empirique ou descriptif; elle est un écart statistique”[5]. Pour Canguilhem, l’anomalie n’est pathologique que si elle est sentie comme telle: “L’anomalie est ignorée dans la mesure où elle est sans expression dans l’ordre des valeurs vitales (…), elle n’est connue de la science que si elle a d’abord été sentie dans la conscience, sous forme d’obstacle à l’exercice des fonctions” [5]. Le pathologique ne naît que par rapport à la conscience qui sent et qui évalue la réduction de la normativité.
Canguilhem déplace le point de départ de la démarche médicale, désormais c’est du patient pris comme « totalité individuelle consciente [5] », c’est à dire comme étant à la fois conscient et sentant, capable de jugement et de discernement, que naît la démarche thérapeutique. En effet, « pathologique implique un pathos, sentiment direct et concret de souffrance et d’impuissance, sentiment de vie contrariée »[5]. Le pathologique naît donc d’un sentiment de pathos, de la conscience d’une diminution de soi issue d’une réduction de la normativité. C’est le sujet qui détermine la frontière entre le normal et le pathologique dès qu’il éprouve un pathos, c’est à dire un sentiment d’anormalité, la sensation d’un écart à ses normes habituelles.
La maladie est précisément ce sentiment, cette intuition de ne plus pouvoir répondre soi-même aux sollicitations du milieu, c’est l’expérience de la perte d’autonomie.
Il n’y a donc de normal et de pathologique que pour-soi, que pour l’être qui a conscience de son existence, qui se représente à lui-même sa vie dans la continuité et surtout à travers les changements. Canguilhem contribue à redonner à l’homme la position qui lui revient de droit à l’intérieur de sa propre maladie.
Ainsi, le but d’une pratique médicale portant sur une phénoménologie de la douleur va être de détecter les critères individuels qui marquent, pour le patient, la prise de conscience de l’anomalie par rapport à l’état habituel, et son intégration dans le contexte pathologique sous-jacent.
De ce fait, dans la perspective de Canguilhem, c’est la relation médecin – patient qui s’en trouve modifiée, le premier se doit de considérer la conscience du patient, d’écouter ce que lui délivre son intuition : « C’est le pathos qui conditionne le logos »[5].
En redonnant valeur à l’intuition, c’est à dire à ce que la personne éprouve, Canguilhem va insister sur une écoute différente du malade et une compréhension plus riche et plus complète de la maladie.
Paul Ricoeur [6] est le philosophe qui s’est placé précisément dans une perspective de faire une phénoménologie de la douleur, et de comprendre son implication dans l’existence du sujet à partir de la notion de souffrance. La souffrance altère deux axes qui définissent notre façon d’être au monde.
Tout d’abord, l’axe de soi à autrui. La souffrance est “conscience vive d’exister, ce qui est atteint, c’est l’intentionnalité”. Or, si le monde semble changé, inhabitable, c’est que par le phénomène douleur, nous ne pouvons plus nous adapter aux exigences que nous impose ce monde. C’est cette idée que nous nous proposons de comprendre: comment la douleur et la maladie affecte notre rapport aux autres et à soi? Toujours dans l’axe soi-autrui, selon Ricoeur, la douleur et la souffrance qui en découle, entraînent une crise de l’altérité; la souffrance est l’expérience vive de l’insubstituable et de l’incommunicable.
Le second axe qui est affecté dans notre rapport au monde à l’occasion de la souffrance est l’axe agir- pâtir. Ricoeur formule l’hypothèse que le critère de la souffrance est la baisse de la puissance d’agir. La souffrance génère plusieurs impuissances: tout d’abord une impuissance à dire: la douleur a son lieu dans le corps tout entier.
Ce problème est fondamental pour la perspective d’une phénoménologie de la douleur car, il va s’agir de comprendre comment est possible la compréhension par le médecin de ce que le patient exprime de sa douleur. La seconde impuissance générée par la souffrance, selon Ricoeur, est une impuissance à faire, un écart subi entre le vouloir et le pouvoir. Ainsi, en croisant Ricoeur et Canguilhem, l’étude va avoir pour objectif de comprendre comment le patient vit cet écart, s’il tente le réduire en adaptant son existence à cette impuissance subie ou non.
Souffrir, selon Ricoeur, c’est “persévérer dans le désir d’être et dans l’effort pour exister en dépit de…” C’est ce “en dépit de” qui marque la frontière entre la douleur et la souffrance alors même qu’elles habitent le même corps” Il va s’agir de détecter s’il y a adaptation à la douleur dans le vécu, s’il y a résistance, combat contre cette douleur. Si une adaptation apparaît, pourra t – on alors conclure que celle ci, paradoxalement, n’est pas résignation mais combat pour à chaque fois retrouver des normes d’existence acceptables?
Enfin, comprendre le vécu de la maladie, c’est aussi détecter les représentations que le patient se fait de la maladie, et le modèle auquel il s’identifie. Pour cela, on peut s’inspirer des modèles de Laplantine qui classe les représentations de la maladie en binômes.
Le modèle ontologique où la maladie est une entité extérieure au malade comme une chose, et le modèle relationnel où la maladie est rupture d’équilibre.
Le modèle exogène où la maladie est due à l’effet d’un élément étranger à la personne, et le modèle endogène où la maladie part de l’intérieur de la personne et se développe à partir de soi.
Enfin le dernier binôme oppose le modèle maléfique où la maladie est une anomalie qui isole et dévalorise, et le modèle bénéfique où la maladie est vécue comme un obstacle mais qui est l’occasion d’une initiation, d’un développement personnel.
A travers les modèles de Laplantine, les patients donnent accès au sens qu’ils accordent à leur maladie, et aux valeurs qui guident leur vécu. Détecter ces représentations peut aider le médecin dans son approche de la personne malade.
En pratique
En pratique un effort permanent doit être fait pour que la prise en charge de la douleur, non seulement soit une prise de conscience, mais également un acte de relation, prenant en compte, par exemple à travers une approche phénoménologique, l’individu et non uniquement le symptôme.
En effet, de nombreux tabous peuvent persister consciemment ou non au sein de la relation soignants-patient. Au même titre que l’on demande à une personne comment elle dort ou elle mange, ne devrait-on pas lui demander “comment elle souffre”, “comment elle vit sa souffrance” et “comment cette dernière prend sens pour elle-même dans son vécu intime”. Alors la complexité des interactions “individu-environnement” pourrait être saisie par le clinicien intégrant les phénomènes passés et présents de construction-déconstruction-reconstruction, de dépendance-approvisionnement. [8]
Déjà en 1994, le Pr D.B. Carr [9], directeur de la “Pain Unit” du Massachussets General Hospital de la “Harvard Medical School” de Boston voyait dans l’approche française de la douleur en pratique quotidienne (décrite dans le traité devenu classique édité par A. Serrie et C. Thurel) une originalité qui résidait dans sa nature pluridisciplinaire. Dans cette pluridisciplinarité s’intègre par exemple la dimension psychopathologique de la souffrance. Ainsi, le travail développé par C. Dejours dans le Laboratoire de Psychologie du Travail au Conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM) montre [10] les liens qui se tissent entre états morbides (comme les maladies et les douleurs musculosquelettiques) et une souffrance au travail rapportée à une organisation du travail mal adaptée, à des rapports hiérarchiques ou homme-femme conflictuels dans les entreprises, aux diverses sortes de harcèlement et au stress professionnel.
En psychopathologie appliquée à l’étude du lien douleur-souffrance, une approche clinique herméneutique est proposée où le “comprendre” l’emporte sur “l’interpréter” [11]. Le “comprendre” implique une observation de la personne et de sa demande, observation qui se doit d’être variée, attentive, comparatiste et évaluatrice. Il convient en effet de dénouer ce qui est du domaine du corps [12], de l’affectivité, des intensités des forces personnelles et du “monde d’artifices” que chacun porte en soit.
De leur côté les psychiatres ont exploré le syndrome d’épuisement (burn out syndrome) relevé chez les soignants, les infirmières et certains médecins plus particulièrement. Comme le montre les travaux de P. Canoui [13,14] réalisé au sein de notre équipe du laboratoire éthique médicale de Necker, le syndrome d’épuisement est lié à la difficulté à gérer et aborder la souffrance
et la douleur des patients et les tensions qu’elles induisent dans une institution de soin. Il se traduit par une souffrance, et, de fait, “la relation d’aide au malade, tombe malade”. Cette situation met en jeu des facteurs de stress, de stratégies d’adaptation, en positionnant la relation à l’autre au centre de la problématique.
Par ailleurs, les travaux médico-sociaux de Serrie [15] et ceux de notre équipe [16, 17] sur les personnes malades en état de précarité – ont posé l’hypothèse d’un lien entre la douleur psychique (également appelée souffrance) ou morale avec le degré d’exclusion sociale.
Enfin, nos travaux sur la relation médecin-patient [18] et sur la douleur [19] montrent qu’il importe d’envisager les diverses perceptions de la douleur et de la souffrance que peuvent avoir les médecins et les patients et les risques de distorsion entre la demande des patients et la perception qu’en a le médecin, dès lors que la pathologie naît de la confrontation des besoins des individus et de l’ordre de la société. Nous pensons ainsi qu’il convient d’analyser le regard porté sur la douleur et la souffrance en fonctions des cultures, des modes de vie et des représentations, tant des patients que des médecins.
La prise en compte du caractère multidimensionnel des symptômes algiques suppose donc une modification de la relation traditionnelle médecin-malade et l’établissement d’un nouveau lien à réaliser dans une telle approche clinique prenant en compte à la fois la vulnérabilité du patient souffrant et la nécessité d’un dialogue entre deux acteurs responsables et informés.
La notion d’accès à l’information apparaît donc indispensable tant à l’établissement de la relation thérapeutique, qu’à l’existence d’un débat social destiné à valoriser une démarche de soin assurant une prise en charge globale de la personne.
En effet le législateur en inscrivant dans la charte du patient hospitalisé et dans les récents textes de lois sur les droits des patients, la prise en charge de la douleur comme un droit, soulève le problème de l’accès aux soins. Ces données sont confirmées par les directives ministérielles qui étendent ce concept à l’ensemble des patients quelle que soit leur pathologie, leur situation et leurs modalités de prise en charge (hospitalisé ou non).
Dès lors les questions soulevées par de possibles échecs thérapeutiques, par des différences de perception de la douleur par le médecin et son patient, sont mises au jour et doivent être débattues.
La distinction entre douleur et souffrance laisse place à l’interprétation et devrait être discutée. L’exclusion sociale et la précarité, les contraintes engendrées par un monde du travail qui nie les singularités, le handicap et la maladie qui confrontent un individu et ses limites physiques à des normes sociales induisent une souffrance dont la traduction somatique est parfois la douleur. L’ambiguïté entre souffrance et douleur, place le patient et son médecin devant une nosologie à définir et face à des choix de prise en charge qui ne peuvent plus être univoque et doivent être discutés. La relation médecin-malade est alors profondément modifiée et ne peut rester dans la dualité réductrice d’un schéma traditionnel qui opposerait la compétence technique et une demande subjective. Dans une telle situation, l’accès à l’information tant pour le professionnel que pour le patient est fondamental.
B- Quelques propos rapportés
Introduction
A sa manière, Florence, 8 ans, explique à sa psychothérapeute pourquoi, depuis trois ans, elle ne parle plus aux adultes tandis qu’elle bavarde volontiers avec ses camarades. A cette époque, elle a eu une plaie de la langue recousue sans anesthésie, ce qu’elle raconte alors : “Ils m’ont demandé de tirer la langue, je l’ai fait, je voulais être gentille, j’ai été bien bête, ils m’ont eue, qu’est-ce qu’ils m’ont fait mal ! ” [20].
C’est à un voyage, inspiré de différents auteurs et de leurs réflexions sur la douleur, que j’invite les lecteurs, j’espère ainsi leur donner le désir de se reporter aux textes initiaux choisis, pour lesquels je remercie la pensée de leurs auteurs, en tant qu’éléments pouvant nous faire individuellement avancer. En effet, nous sommes confrontés quotidiennement à ce symptôme qui nous interpelle et pour lequel la connaissance scientifique nous a donné des armes ; donc il est de notre conscience de personne d’en appréhender les significations que nous-mêmes et les autres lui donnons. Les problématiques sur la vérité et la connaissance se mêlent à cette approche.
Quel sens donner à la douleur ?
Rapprocher la douleur ou la souffrance du sens ne va pas de soi, nous dit B. Vergely [21]. Il exprime même le danger de lui en donner un ou de ne lui en donner aucun. La problématique du mal est aussitôt posée, mal lié à notre condition d’être physique, sexué, social et d’être vivant en général [ 21 ]. Alors que l’homme aspire à une vie qui soit sans usure, sans manque, sans solitude et sans silence, ajoute-t-il. Pour l’un des ressorts les plus essentiels de l’homme, ce refus de souffrance, il a recours aux trois niveaux : psychologique, anthropologique et métaphysique. Dans une conception de l’homme qui serait tout désir et soif d’exister, il peut être fait appel, en cas de violence, à la sacralisation et à la ritualisation de cette souffrance. Trop donner sens au fait de souffrir relève de l’archaïsme qui sommeille en nous, au lieu de souligner que celui qui va de l’avant est celui qui cultive le sens du bonheur et non celui de la douleur. De même, aller jusqu’à glorifier le monde dans lequel règne la loi de la jungle, c’est nier sa vocation, c’est être aliéné, voire dégénéré, c’est se méprendre sur le sens du geste médical, qui, luttant contre la souffrance, refuse cette loi.
B. Vergely [ 21 ] montre qu’il y a une ambiguïté dans la peur de souffrir, des conjurations amenant à souffrir avant que la souffrance ne vienne, comme mourir avant que la mort ne survienne. Anthropologiquement, c’est parce que l’on donne un sens à la souffrance que le bonheur est possible. Ceux qui refusent les facilités de la vie sont les véritables messagers du bonheur.
Enfin cet auteur, au terme de ce parcours, prononce une véritable sentence : le véritable sage n’est pas que celui qui renonce, c’est celui qui renonce au renoncement, non pour se retourner vers la souffrance mais pour supporter le monde en étant un sujet, afin de donner une force à l’Être face au néant. Qui accepte de souffrir accepte le risque et la valeur de la notion de sujet. C’est le contraire d’un individu-consommateur, malade de ne plus porter d’autre sens que celui de se bien porter pour consommer. Si l’individu consommateur devient l’unique norme, la vie se trouve par conséquent dépourvue de sens, avec en prime des contradictions insolubles : développement des techniques d’immortalité [ 21 ] et demande de “mort à la carte“. C’est de la notion de personne qu’il s’agit et de la place du médecin !
Apport de l’anthropologie
Très rapidement, il faut tout de même expliquer comment l’on peut passer de la notion d’anthropologie médicale à celle d’anthropologie de la médecine.
- Dans le premier cas, il s’agit de l’anthropologie appliquée au domaine médical ; c’est éclairer, par une connaissance des faits de culture, la pratique médicale.
- Dans le second, qui fait de la maladie un domaine de l’anthropologie sociale, elle est la conséquence de l’évidence de la non-autonomie des faits relatifs à la maladie et, en particulier, l’articulation de ces derniers avec les faits relatifs à l’ordre social et à l’ordre du monde [22].
Ainsi, le rôle de l’anthropologue prenant la maladie pour objet, pour une visée biomédicale, se référerait à la première conception alors que celui qui se limiterait à une recherche muséographique de pratiques exotiques ferait de l’ethnomédecine, et celui qui accéderait par une autre porte, la connaissance de l’homme, défendrait la seconde conception [22].
Penser la douleur ?
Après avoir tracé la carte des voies de la nociception, il importe maintenant d’étudier le retentissement de la douleur au cœur de la vie psychique. Dans l’ensemble, les travaux sur ce sujet sont décevants, donnant une impression de confusion, sans confrontation critique entre eux et les réalités cliniques, constate A. Gauvain-Picard [21].
L’apport de la psychanalyse, curieusement s’exprime, pour la majorité des courants, dans la supposition d’une origine psychique à la douleur, l’assimilant à une pure émotion : la souffrance causée par un être cher.
Face à cette théorie purement psychologique, A. Gauvain-Picard [21] nous renvoie aux notes de S. Freud, qui signalent que la douleur serait un état d’excitation et qu’elle entretient une relation à un manque.
De l’intensité du message nociceptif, la douleur dépend aussi d’une perte de l’unité du corps et de l’esprit. C’est une espèce de rupture avec soi-même, signe avant-coureur, précise-t-elle, de l’éclatement psychique de la torture, aux séquelles psychologiques graves [21].
Le plaisir et la douleur
Pour P. Mengal [23] situe le plaisir et la douleur sont deux moyens de régulation des comportements des êtres humains.
De l’épicurisme (qui donne un rôle à la volonté et qui soutient que les hommes et les animaux recherchent le plaisir et fuient la douleur), en passant par le courant stoïcien (qui réaffirme le rôle de la volonté dans l’acceptation de la douleur), ou par l’hédonisme (qui fonde sa morale sur la recherche unique du plaisir), ou par les humanistes (qui réhabilitent le courant stoïcien en essayant de le rendre compatible avec le dogme chrétien), ou par l’augustinisme (qui assure que la douleur est un moyen de la rédemption des âmes), ou par T. Hobbes (qui assigne à la douleur une fonction morale n’ayant d’autre dessein que de corriger le coupable ou de rendre meilleurs ceux à qui le supplice servira l’exemple), ou par la théorie de l’échelle bipolaire de Locke, (le plaisir et la douleur en constituant les deux extrémités entre lesquelles la juste raison des hommes
aurait beaucoup de difficultés à se situer), ou par Leibnitz (qui soutient l’idée d’une morale opposant l’idée d’une morale contractuelle et laïque à une morale d’inspiration religieuse), de tous ces courants philosophiques se dégage une opposition entre monde sacré et monde profane qui ne fera que s’accentuer au cours de l’histoire. P. Mengal [23] décrit alors un modèle éthico-économique développé par toute une école utilitariste anglaise. Le principe d’utilité s’oppose à la fiction du contrat social fondateur : chacun, poursuivant son intérêt propre, contribue, par un simple mécanisme de sommation, à la détermination de l’intérêt général. Le béhaviorisme percevra tout l’intérêt de cette conception, mais expérimentera que la punition à éviter est d’un rendement moindre que la récompense à obtenir, rompant ainsi avec l’arithmétique des peines et des plaisirs de l’utilitarisme. Pour cette dernière philosophie, l’individu idéal est celui dont l’histoire est simplement la suite des contingences auxquelles il a été exposé sa vie durant.
L’exaltation de la douleur
Marc A. Descamps [24] cite Montaigne, qui voyait dans la douleur “une fournaise à recuire l’âme“. Lamartine pour sa part déclarait: “tu fais l’Homme, ô Douleur; oui, l’Homme tout entier, comme le creuset, l’Or“. De même, ces vers célèbres de Musset, qui se rapportent à une douleur amoureuse :
“L’homme est un apprenti, la douleur est son maître
Et nul ne se connaît, tant qu’il n’a pas souffert
Rien ne nous rend si grand qu’une grande douleur”.
Anatole France
A. France exaltait la douleur pour sa valeur sociale et civilisatrice : ” la souffrance ! Quelle divine méconnue ! Nous lui devons tout ce qu’il y a de bon en nous, tout ce qui donne du prix à la vie ; nous lui devons la pitié, nous lui devons le courage, nous lui devons toutes les vertus… Qu’est-ce que le génie, sinon l’art de charmer la souffrance ? “.
De son côté Baudelaire dénote la sensibilité de base de notre civilisation. La douleur est alors le péché à l’envers : souffrir permet de compenser et d’expier ses péchés ; mais il rajoute, personnellement, qu’avoir beaucoup souffert autorise à pécher encore .
“Je sais que la douleur est la noblesse unique
Où ne mordront jamais la terre et les enfers…
Soyez béni mon Dieu, qui donnez la souffrance
Comme un divin remède à nos impuretés
Et comme la meilleure et la plus pure essence
Qui prépare les forts aux saintes voluptés”
Rousseau
Enfin, si Rousseau a pu prouver le rôle éducateur de la douleur, il faut ajouter que ce rôle peut se perdre. Ainsi même Skinner, qui a construit la philosophie béhavioriste, désavoue l’éducation punitive fondée sur des renforcements négatifs : trop de douleur amène à une réaction de désespoir, est vécue comme une persécution et entraîne aigreur et haine. Camus, pour sa part, illustre la révolte forcenée contre la douleur : s’il n’est assorti de beaucoup d’amour, le châtiment corporel suscite le scandale et les grandes épreuves, aussi. En ce qui concerne l’éducation spartiate, d’après Descamps [24] montre que nous nous sommes forgé un idéal de dolorisme que nous avons faussement attribué à la cité de Sparte. La souffrance est alors ce qui compense les péchés, et comme tous les péchés ne peuvent provenir que du corps, il va falloir infliger à ce malheureux corps quantité de douleurs pour compenser. Chez les spartiates, il n’y avait pas d’exaltation de la douleur, il convient mieux de parler d’austérité, de frugalité et d’endurance.
De façon plus générale, les Grecs ne considéraient pas la douleur comme une aspiration religieuse alors que pour le christianisme, la douleur apparaît comme une bonne conseillère : elle éloigne des voluptés terrestres et fait penser à Dieu. Combien de personnes qui en bonne santé se livrent à la débauche se convertissent à la vie religieuse, une fois malades, s’exclame M. A. Descamps ! Et il ajoute: ” Dans les tribus primitives, quand l’on tue le fils des voisins, on le remplace. En Occident, où nous pensons que l’argent peut tout résoudre et que l’on peut compenser le prix de chaque chose, a été forgé le pretium doloris, le prix de la douleur tarifé par toutes les compagnies d’assurances“.
Le défi de la douleur
C’est le titre que Melzack et Wall [25] ont donné à leur livre. Sans insister sur l’intérêt de leur théorie dite “de la porte“, nous devons noter qu’elle a permis d’intégrer des phénomènes culturels, pour ne pas dire externes au corps qui interviennent sur le caractère et l’intensité des douleurs. Ces dernières seraient plutôt déterminées par nos expériences antérieures et la qualité du souvenir que nous en gardons, ainsi que par notre capacité de comprendre la cause de la douleur et d’en saisir les conséquences.
- Quelles réflexions apporter après l’exposé de ce rite classique de la ” suspension aux crochets ” encore pratiqué dans certaines parties de l’Inde ! Dans cette coutume (ce sont Melzack et Wall qui le rapportent [25] ; ce qui donne un goût exquis aux propos), on choisit un membre d’un groupe social donné pour représenter la puissance des dieux. Le rôle de l’élu, (ou célébrant) consiste à bénir les enfants et les récoltes dans les villages avoisinants, pendant une certaine période de l’année. Le rituel utilise des crochets d’acier, reliés par des cordes solides au sommet d’une charrette spéciale, ces derniers sont enfoncés sous la peau et les muscles de l’élu, en paravertébral droit et gauche, de chaque côté du dos. La charrette circule de village en village. Pendant les déplacements l’homme s’agrippe aux cordes, desquelles il est suspendu dans le vide, mais au point culminant du rite, dans chaque village, après avoir béni enfants et récoltes, il se balance dans le vide, uniquement retenu par les crochets. La foule applaudit au rythme du balancement et le célébrant, en état de transe, ne montre aucun signe de douleur.
- Ces mêmes auteurs rapportent dans leur livre [25] des expériences de trépanation dont la lecture fait frémir l’homme que je suis, mais dont la vertu serait de guérir des douleurs chroniques ! L’étrange malaise des spectateurs qui contraste avec l’impassibilité des officiants pose également le problème du rôle social que jouent les spectateurs de telles cérémonies.
- Des niveaux de seuils à la douleur et un seuil de sensation uniforme, quelle que soit l’origine culturelle sont décrits, mais ne sont rapportés qu’à propos de sujets italiens, juifs (!), irlandais et américains de vieille souche. Ainsi, en concluent les auteurs, l’appareil de conduction sensoriel semble être essentiellement le même chez tous les peuples, si bien qu’un niveau déterminé de stimulation déclenche toujours une sensation. Par contre, le seuil de perception à la douleur, serait influencé par les facteurs culturels, mais ces derniers influeraient surtout sur les niveaux de tolérance à la douleur. Ces différences de tolérance reflètent les différentes attitudes ethniques face à la douleur. D’où une variabilité de la tolérance à la douleur.
L’influence profonde des attitudes parentales est soulignée. On rapporte ainsi l’excès d’agitation des familles pour des douleurs mineures, attitudes excessives acquises par les enfants qui se perpétueraient à l’âge adulte. La signification qu’acquiert le stimulus au cours du conditionnement antérieur vient moduler l’influx sensoriel, avant qu’il ne déclenche les mécanismes cérébraux sous-jacents à la perception et à la réaction, concluent les auteurs étudiant la signification neurophysiologique des phénomènes. A cela s’ajoutent d’autres facteurs comme l’attention, l’anxiété et la distraction ! Ainsi, l’intensité de la douleur post-chirurgicale peut être atténuée. La connaissance des phénomènes douloureux, cependant, accroît l’anxiété, par le phénomène d’anticipation de la douleur.
Fournir au patient des techniques pour affronter la douleur et l’angoisse, voilà l’élément essentiel, déclarent-ils [25]. La vérité à la personne malade est alors une ambiguïté entretenue qui s’impose par ces propos : c’est la technique, non la connaissance qui doit être proposée. Et l’enseignement des moyens pour combattre la douleur, comme les techniques de relaxation et de distraction, allégeraient celle là.
Aussi, la suggestion est-elle efficace, amenant l’évaluation à exclure un effet placebo qui interférerait. Mais où commence la suggestion pour faire place à la manipulation des personnes ?
Que dire de l’efficacité de la médecine actuelle, rapportée aux effets indésirables nombreux, particulièrement de certains analgésiques, quand on évalue à 50 % l’effet thérapeutique des placebos ? [25].
Enfin, l’hypnose, alliant manipulation de l’attention et forte suggestion, est proposée jusqu’à une efficacité sur la réduction de la consommation médicamenteuse qui est associée pour obtenir une analgésie efficace. L’auto-hypnose agissant par un pouvoir de fixation à une idée (états de concentration intense) aboutissant à des états de transe a été rapportée chez des mystiques ou des individus profondément religieux.
Des associations hypnose-placebo ont pu être proposées, elles augmenteraient, par l’hypnose, une hausse notable des niveaux de perception de la douleur et de tolérance alors que le seuil de perception serait seul modifié par le placebo. Ce qui veut dire que la méthode hypnotique aurait son propre effet placebo.
De tels éléments amènent les auteurs à définir la douleur comme une expérience perceptive dont la qualité et l’intensité dépendent du passé unique de l’individu, de son interprétation de la situation génératrice de douleur et de son état d’esprit du moment.
Les représentations culturelles de la douleur et le thérapeute
M. Moro [26] rappelle qu’il s’agit là de contraintes interactives dont elle définit par 8 propositions le concept duquel l’on peut en déduire une conception de la genèse de l’interaction thérapeutique comme découlant d’une articulation entre un cadre et un couple (au moins) d’interlocuteurs qui ” habitent” le même cadre.
Et elle conclut: “On néglige habituellement l’importance pour le sujet du portage culturel. Au mieux le considère-t-on comme un concept théorique dépourvu de toute matérialité, de toute sensorialité et surtout de toute efficacité thérapeutique. Pourtant la pratique régulière de telles consultations d’ethnopsychiatrie nous a montré que, dans ce sens culturel, la souffrance ne peut se dire… “
La violence de la douleur
A. Gauvain-Picard [27] explique que le déni de douleur résulte d’une étonnante alchimie pseudo-scientifique défiant toute logique. Elle prend pour exemple cette affirmation “que les brûlures profondes ne font plus mal“, alors que l’on sait ce que des fibres détruites peuvent donner comme douleurs terribles !
Les douleurs sous le pansement comme celles des handicapés souvent méconnues complètent cette curiosité qu’est le déni de la douleur. Jusqu’à la douleur infligée à l’enfant que l’on raisonne : ” Arrête de crier comme cela, tu exagères, cela ne fait pas mal “. Jusqu’à des anesthésies pour des interventions chirurgicales pratiquées à l’aide de seuls hypnotiques et curares (pour qu’il ne bouge pas, ne crie pas et ne gêne pas le chirurgien) : telle était la psychologie des anesthésistes anglais de Liverpool depuis 1940, (qui perdure chez certains encore actuellement), qui n’ont jamais employé d’analgésiques dans leurs protocoles.
A l’absence de sens, il faut trouver un sens, alors que “c’est impossible qu’un bébé souffre, car cela est sans sens” [27].
La Morale Médicale
Je me permettrais de dégager des propos de F. Lhermitte [28], en 1966, au cours du deuxième congrès international de morale médicale, ces quelques citations :
“Le respect de la vie et de la personne dirige notre action ; celle-ci est destinée à servir le malade ; et la décision d’agir ou de ne pas agir est une décision de conscience. Ces principes nourrissent l’éthique médicale. Ils correspondent à une aspiration profonde des médecins, née des épreuves qui les mêlent à la souffrance des hommes. Et, si ces principes sont devenus des règles, c’est pour protéger les hommes des errements d’individus ou de sociétés dont les conceptions sur l’existence ne respectent pas dans leur plénitude la valeur de la personne et sa liberté. Reconnaître la part de plus en plus prépondérante de la technique dans nos progrès et dans la qualité de la médecine ainsi dispensée, mais également se méfier d’effacer le malade au profit de la maladie. Les progrès de la médecine, qui participent à l’extraordinaire expansion de la technique dans le monde moderne ne sauraient être traités en se référant aux critères habituels du raisonnement économique. La rentabilité n’est pas leur but, mais bien cette aspiration et cette volonté d’améliorer le sort des hommes. Nous savons le coût financier immense de la santé et de la recherche médicale. Il est fondamentalement la conséquence et la source du progrès, fatalement, il ne peut que s’aggraver. Économiser est un souci légitime (on dirait éthique actuellement), à la condition de ne toucher en rien à la valeur de la médecine et de n’entraver en rien son épanouissement”.
F. Lhermitte
De la morale médicale, l’éthique médicale à un moment de profonds bouleversements pour ne pas dire de rupture dans nos modes de vies, voire de conception des droits et devoirs de l’homme, se rapporte en fait à l’éthique en général. De discussions sur des conceptions absolues du monde et du sens de la vie, quelles soient religieuses ou non, sans toutefois aucunement les négliger et au contraire en les respectant au niveau privé de tout individu, la visée éthique s’applique en médecine quand des cadres de principes ou d’obligations ne sont plus opérants.
Ainsi l’éthique ne s’improvise pas.
A partir de traditions culturelles (dont nous sommes les fruits de longues chaînes humaines), devant des situations nouvelles qui bouleversent nos définitions de ce qui fait au plus profond de nous-mêmes (nos vies et le sens que chacun peut y apporter), pour une réalisation personnelle, une réflexion éthique doit être suscitée pour permettre l’imagination, la création de nouvelles normes, qui remplaceront celles qui n’opèrent plus.
Appliquée en médecine, cette constatation qui naît de l’altercation de la tradition qui faisait l’homme et des techniques qui peuvent jusqu’à le créer ou l’anéantir, émerge la notion d’une éthique médicale qui s’appuie sur les pratiques de ses professionnels, les évalue en ces termes et les confrontent dans un débat avec l’opinion publique pour définir ce que le simple citoyen met dans la médecine, la vie, la mort et la souffrance.
Il nous faut une médecine au service des hommes, dérivée non des idéologies absolutistes, non des techniques jusqu’au-boutistes qui altéreraient le but même de nos existences : une médecine qui sache recevoir de nos ancêtres, poursuivre leurs efforts et transmettre aux générations futures. Une réflexion sur les valeurs et sur l’art de les appliquer en médecine et en biologie s’avère indispensable pour le respect même que nous nous faisons de notre profession et qui nous donne un sens dans nos choix pour ces métiers. L’éthique médicale – dérivée de l’ethos grec qui signifiait primitivement habitude puis lieu d’habitation régulier et enfin la manière de se comporter: les mœurs – est plus une sociologie et une recherche de la solution à trouver appliquées aux pratiques et aux choix que le médecin est à même de prendre ou de proposer dans des situations critiques où des logiques différentes et quelquefois contradictoires s’affrontent. Dans la décision, l’on comprend toute l’importance que revêt la notion de personne, de son statut, de ses droits et de ses devoirs dans une collectivité en pleine mutation. Société séculaire dans laquelle les religions ont perdu en leur influence quant au sens, société aveuglée par les moyens qui s’étalent à la portée de tous dans un système de consommation excessif qui en vient à oublier les fins, le sens de nos vies. La douleur-symptôme qu’il faut comprendre et traiter est également une douleur-relation qu’il conviendrait de ne pas occulter derrière des techniques de plus en plus efficaces, mais qui ne remplaceront jamais la parole ou la présence de l’Autre, le semblable.
Christian Hervé & Pr Grégoire Moutel
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[16] J. HASSIN L’émergence de l’abord médico-social des populations sans toit stable. Thèse d’université René Descartes (1996 ), in www.inserm.fr/ethique;
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Autres références
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