Antiquité : Contexte
Antiquité : hétéronomie = nature
Dans l’antiquité, l’homme n’est qu’une partie de la Nature, il n’a pas d’existence subjective. Il est toujours pensé par rapport à autre chose que lui-même, qui le fonde et lui donne sens et finalité. Le cosmos qu’il a à connaître, la cité politique qu’il a à construire et dans laquelle il a à vivre.
La nature est centrale, il s’agit de reconnaître le fait naturel comme le plus légitime suivre et s’intégrer au cosmos (Aristote)
Représente une attitude conséquencialiste*, où la nature définirait les choix et le bien.
Antiquité : Éthique des vertus
ARISTOTE : “Éthique à Nicomaque”
Une vertu peut être définie comme une disposition de caractère chez une personne, un groupe, une organisation ou une société qui permet de faire ce qui est défini comme le bien c’est-à-dire d’agir de manière éthique. Les vertus sont appréhendées culturellement comme des « excellences humaines [c’est-à-dire] qualités de caractère admirables ou louables » qui permettent l’agir éthique. Elles s’acquièrent par l’éducation, l’entraînement qui induisent des schémas de réaction affective.
Aujourd’hui, la culture commune admet que l’amabilité, l’authenticité, la bienveillance, la bonté, la droiture, l’équité, l’honnêteté, l’indulgence, l’intégrité, la loyauté, la modération, la patience, le respect, la sagesse, la transparence et la véracité sont des vertus c’est-à-dire des qualités humaines reconnues comme positives mais ce « catalogue » des vertus est variable selon les perspectives historiques, philosophiques et culturelles.
Pour Aristote, les vertus ne sont pas innées, ce sont des « habitus », c’est-à-dire qu’elles relèvent de l’enseignement, de l’habitude et de l’expérience. Elles sont apprises en accomplissant des actes conformes notamment en suivant le modèle d’un homme bon et juste. Les vertus sont des traits de caractère existants dans l’espèce humaine pouvant prendre une forme exemplaire, autrement dit parfaite.
Pour lui la vertu est une posture de modération et d’équilibre (« médiété ») : « La vertu est une disposition de la volonté consistant dans un juste milieu relatif à nous, lequel est déterminé par la droite règle et tel que le déterminerait l’homme prudent (…). A la fois source de bonheur et de justice, la vertu est ce juste milieu qui permet à chacun de vivre avec bonheur tout en tenant compte des autres ». Ainsi, toutes les vertus sont fondées par la plus fondamentale : la prudence (« phronesis »).
Moyen-âge : Contexte
Moyen-Age : hétéronomie = Dieu
Au Moyen-Age, l’’extériorité pour l’homme n’est plus la Nature mais Dieu, l’homme est « créé à l’image de Dieu », c’est une personne. La démarche téléologique, c’est à dire qui porte sur la finalité, est dirigée vers le bien (St Augustin). La religion insiste sur l’importance de l’homme dont certains choix sont libres, mais pas la destinée (St Anselme). La vie est donnée et reprise par Dieu et l’homme n’a pas à aller à l’encontre du créateur : faire le bien c’est se conformer le mieux possible à ses lois.
XVIIème siècle : Casuistique
La casuistique est surtout portée par les philosophes catholiques comme SAINT AUGUSTIN, SAINT ANSELME et Blaise PASCAL
La casuistique consiste dans son émergence, à articuler l’universalité des lois divines ou la généralité du dogme religieux à des cas particuliers.
La casuistique (du latin « casus » : fait singulier) est une manière ou une méthode appropriée capable de trouver une règle juste pour un cas singulier par application pratique des connaissances morales que possèdent communément tous les hommes. C’est une application des règles morales générales à des cas concrets via une articulation entre l’universalité d’une norme et la particularité d’un agir.
La casuistique présuppose une loi universelle (une loi éternelle ou une règle suprême, divine) et une morale révélée (religion).
La casuistique désigne donc l’art ou la science de résoudre des « cas de conscience » c’est à dire des situations difficiles, soit qu’il y ait dilemme à propos de l’action à entreprendre, soit qu’il y ait hésitation sur les moyens à utiliser, soit qu’il y ait conflit entre les normes à respecter.
La casuistique est d’abord une réflexion (théorique et pratique) qui relève de la morale. La casuistique parcourt trois étapes :
- description d’un moment de tension (cas)
- recherche de la norme morale à appliquer
- résolution de la tension morale
Le cas de conscience est ainsi examiné d’un point de vue argumentatif, c’est une résolution dite rhétorique c’est à dire dans l’ordre du discours, ce qui représente une limite critiquable : l’éthique n’est surement pas une simple construction rationnelle de l’argumentation.
La casuistique présuppose une loi universelle (une loi éternelle ou une règle suprême, divine) et une morale révélée (religion).
La casuistique désigne donc l’art ou la science de résoudre des « cas de conscience » c’est à dire des situations difficiles, soit qu’il y ait dilemme à propos de l’action à entreprendre, soit qu’il y ait hésitation sur les moyens à utiliser, soit qu’il y ait conflit entre les normes à respecter.
La casuistique est d’abord une réflexion (théorique et pratique) qui relève de la morale. La casuistique parcourt trois étapes :
- description d’un moment de tension (cas)
- recherche de la norme morale à appliquer
- résolution de la tension morale
Le cas de conscience est ainsi examiné d’un point de vue argumentatif, c’est une résolution dite rhétorique c’est à dire dans l’ordre du discours, ce qui représente une limite critiquable : l’éthique n’est surement pas une simple construction rationnelle de l’argumentation.
XVIIème siècle : Affirmation du libre arbitre
DESCARTES : “Discours de la méthode”
Liberté de la volonté : passage de l’hétéronomie à l’autonomie par l’affirmation de la subjectivité et du libre arbitre.
Galilée, fait basculer la culture d’un monde clos (ordonné, hiérarchisé : cosmologie antique) à un univers infini, celui de la science moderne. La raison est exaltée dans son pouvoir de découverte, de création technique et artistique de connaissances.
Une nouvelle conception de l’homme émerge en appui sur le cogito qui fonde le sujet.
La connaissance de ce qui est ne dit rien de ce qui doit être.
L’approche autonomique se déploie par l ‘affirmation que les fondements de la morale sont en l’homme qui fabrique ses propres lois (approche de type déontologique), l’homme peut (et doit) avoir prise sur le cours des choses.
Cette démarche se rattache à la notion d’universalité de la pensée (Descartes). L’homme échappe aux lois divines et à la nature ; il devient peu à peu la finalité du tout.
XVIIIème siècle : Déontologie (volonté et autonomie)
Emmanuel KANT : “Fondements de la métaphysique des mœurs », « Critique de la raison pratique”
Avec Kant, l’usage autonome de la raison acquiert un sens moral et devient une caractéristique des personnes. Il énonce trois maximes que tout homme doit respecter pour faire un usage éthique, un bon usage (autonome, universel et exempt de contradiction) de sa pensée.
- – Penser par soi – même : c’est la maxime de la pensée autonome,
- – Penser en se mettant à la place de tout autre : c’est la maxime de la pensée élargie,
- – Toujours penser en accord avec soi-même : c’est la maxime de la pensée conséquente.
Agir moralement c’est agir selon une bonne volonté, c’est à dire par devoir (et non conformément au devoir)
Impératif catégorique (clair, absolu précis et sans équivoque) : « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle »
« Traite l’humanité en toi et en autrui toujours comme une fin et jamais simplement comme un moyen » La morale déontologique de Kant : pour Kant, est moralement bon un acte qui est accompli par devoir, c’est-à-dire accompli avec l’intention de se conformer au devoir de respecter la dignité humaine. On dit que la morale kantienne est une morale du devoir ou morale déontologique. (deon = devoir en grec).
Les lumières : Contexte
Tournant majeur dans la conception de l’éthique.
La morale de l’autonomie et de la volonté dont la référence est l’universalisation de la loi posée par la raison :
– le déontologique (recherche de ce qui doit être) remplace l’ontologie (connaissance de ce qui est)
– l’autonomie (poser soi-même la loi à laquelle on obéit) remplace l’hétéronomie (recevoir la loi de quelque chose d’autre que soi-même)
– rejet du conséquentialisme (finalité) et de tout contextualisme (casuistique), distinction fondamentale des choses et des personnes par l’émergence de la notion de dignité
L’autonomie forge la personnalité du sujet moral, assure sa dignité, le rendant capable de se constituer législateur de sa propre loi, et d’en faire, par la suite, son devoir.
De là découlent des notions au cœur de l’éthique médicale :
- – le consentement,
- – la liberté de choix,
- – la dignité,
- – la justice…
XVIIIème siècle : Utilitarisme
Jérémy BENTHAM : “Introduction aux principes de la morale et de la législation”
L’utilitarisme est un courant de pensée né dans le monde anglo-saxon au 18e siècle et qui affirme qu’une action est bonne ou mauvaise en fonction de ses seules conséquences sur le bien-être (ou « utilité », à entendre dans ce sens particulier) des personnes concernées.
« Par principe d’utilité on désigne un principe qui approuve ou désapprouve toute action, en fonction de son aptitude apparente à augmenter ou diminuer le bonheur de la partie dont l’intérêt est en jeu ; ou, ce qui revient au même mais en d’autres termes, à favoriser ou à contrarier ce bonheur. Je dis bien, de quelque action que ce soit, donc non seulement de chaque action d’un simple particulier, mais également de toute mesure d’un gouvernement. »
Les utilitaristes divergent sur la définition la plus appropriée de l’utilité (plaisir, bien-être, bonheur, satisfaction des préférences, etc.), mais s’accordent sur un principe moral unique : maximiser l’utilité collective, chaque personne comptant de manière égale.
Il est toutefois possible de défendre d’autres valeurs que le bien-être d’un point de vue conséquentialiste : par exemple la liberté ou l’égalité. De ce point de vue, les actions moralement désirables sont celles qui contribuent à l’accroissement général de la liberté ou de l’égalité.
L’utilité, fondement de la morale utilitariste, énonce les critères d’une action bonne ou mauvaise ; ainsi une action sera bonne en fonction de l’augmentation du bonheur qu’elle produit (et sera mauvaise si le bonheur qui en émane est moindre). On entend donc par « bonheur », le plaisir et l’absence de douleur (et par malheur, la douleur et la privation de plaisir)
« Que le bonheur constitue ou non la fin ultime de la moralité, il est essentiel, en tout cas, pour l’idée même de philosophie morale, que la moralité se réfère à quelque fin, qu’elle ne soit pas laissée sous la domination de sentiments vagues ou d’une conviction intérieure inexplicable – qu’elle soit soumise à la raison et au calcul et non au seul sentiment. Cela seul peut permettre que des arguments soient formulés et qu’une discussion soit possible dans ce domaine. Que la moralité de nos actions dépende des conséquences qu’elles produisent est la doctrine commune aux personnes raisonnables de toutes les écoles. Que le bien ou le mal attaché à ces conséquences se mesure exclusivement à travers la peine ou le plaisir qu’elles procurent est le seul point de doctrine qui appartienne en propre à l’école utilitariste. »
« Nous en arrivons ainsi au problème décisif. Il est indispensable que nous nous rendions clairement compte du fait suivant : toute activité orientée selon l’éthique peut être subordonnée à deux maximes totalement différentes et irréductiblement opposées. Elle peut s’orienter selon l’éthique de la responsabilité ou selon l’éthique de la conviction. Cela ne veut pas dire que l’éthique de conviction est identique à l’absence de responsabilité et l’éthique de responsabilité à l’absence de conviction. Il n’en est évidemment pas question. Toutefois il y a une opposition abyssale entre l’attitude de celui qui agit selon les maximes de l’éthique de conviction – dans un langage religieux nous dirions : « Le chrétien fait son devoir et en ce qui concerne le résultat de l’action il s’en remet à Dieu » -, et l’attitude de celui qui agit selon l’éthique de responsabilité qui dit : « Nous devons répondre des conséquences prévisibles de nos actes. »
John STUART MILL : “L’utilitarisme. Essai sur Bentham”
« Pour atteindre des fins « bonnes », nous sommes la plupart du temps obligés de compter avec, d’une part des moyens moralement malhonnêtes ou pour le moins dangereux, et d’autre part la possibilité ou encore l’éventualité de conséquences fâcheuses. Aucune éthique au monde ne peut nous dire non plus à quel moment et dans quelle mesure une fin moralement bonne justifie les moyens et les conséquences moralement dangereuses. »
XXème siècle : Éthique de responsabilité et éthique de conviction
Max WEBER : “Le savant et le politique”
L’éthique de la responsabilité relève de la rationalité téléologique, elle est rationnelle par rapport à une fin, un but poursuivi par celui qui agit et qu’il a, sinon posé lui-même, du moins clairement reconnu.
L’éthique de la responsabilité se caractérise par l’attention aux moyens dans une double perspective : en ce qui concerne leur efficacité pratique, opératoire (car c’est bien la fin qui justifie les moyens) d’une part, en ce qui concerne les conséquences, d’autre part. Le souci d’efficacité encourage le pragmatisme, le compromis, une tendance à réajuster moyens et finalités selon les aléas de l’action, à redessiner les contours du but visé.
L’attention aux conséquences des moyens utilisés et aux conséquences en général des actions entreprises et menées jusqu’à leur terme, passe souvent pour le caractère distinctif de l’éthique de la responsabilité. Les conséquences doivent être considérées, car le risque existe qu’elles soient contre-productives par rapport au but visé, ou encore qu’elles soient néfastes pour d’autres finalités jugées importantes ou pour certaines valeurs à respecter. L’attention aux conséquences implique que l’on prenne en considération les effets de l’action sous ses divers aspects et aussi eu égard à tous les intéressés. L’éthique de la responsabilité est extravertie au sens où elle s’inquiète des conséquences concrètes de l’action sur les autres.
Afin de tenir compte des conséquences, il faut prévoir. Une composante essentielle de l’éthique de la responsabilité est la capacité de prédictions quant aux effets des actions entreprises et des moyens utilisés.
Weber affirme que l’éthique de la responsabilité est et doit être celle de l’homme d’action, plus précisément celle de l’homme politique, du moins dans notre époque moderne, qui est celle de la rationalisation croissante de l’ensemble de la société.
XXème siècle : Conséquentialisme
G. E. M. ANSCOMBE : “Modern Moral Philosophy”
Par contraste avec l’éthique des devoirs (déontologie*), l’éthique des conséquences, ou « conséquentialisme », se préoccupe uniquement des conséquences de nos actions, pas de leurs intentions.
Nous devons choisir les actes qui auront les meilleures conséquences, c’est-à-dire qui contribueront le plus à l’amélioration de l’état du monde – cette amélioration pouvant être évaluée à partir de principes très divers. De ce point de vue, par exemple, mentir peut être justifié dans les cas où cela permet de sauver des vies ou, plus simplement, d’éviter un conflit.
XXème siècle : Principisme
BEAUCHAMP & CHILDRESS : “Les principes de l’éthique biomédicale”
L’approche par principe est intéressante, en particulier pour réfléchir dans le cadre des pratiques de soins. La démarche dite d’analyse par principe, qualifiée de principisme, propose l’étude des enjeux éthiques présents dans une pratique médicale ou un choix d’organisation de santé, sous l’angle de quatre grands principes :
- – la bienfaisance,
- – la non- malfaisance,
- – le respect de l’autonomie,
- – la justice.
XXème siècle : Responsabilité
Hans JONAS : “Le principe responsabilité”
Nous devons aussi penser la démarche éthique pour être responsables de nos choix également devant les générations futures. L’éthique est dans ce cas une anticipation
Cette approche d’éthique de la responsabilité en soulignant qu’au-delà de la responsabilité que nous avons tous devant les personnes présentes, nous devons aussi penser la démarche éthique pour être responsable de nos choix également devant les générations futures. Ceci impose de maximiser la connaissance des conséquences de nos choix et de nos actions.
Ainsi, toute éthique anticipative, telle que l’exige l’objectif de la responsabilité, devient-elle une branche de la recherche, avec une obligation d’analyse collective qu’il convient de cultiver en suscitant la coopération de nombreux experts dans les domaines les plus divers, invitant le plus souvent à une approche de logiques croisées, pluridisciplinaires, mais aussi à débattre avec les personnes concernées, patients ou, plus largement, citoyens. Il y a donc nécessité que toute décision impliquant l’avenir d’une ou de plusieurs personnes, a fortiori de tous, soit au cœur d’une démarche qui s’intéresse aux conséquences futures, partageant les informations sur les bénéfices, les doutes, les incertitudes et les risques.
Toute pratique qui comporte risque ou incertitude, pouvant mettre en cause une valeur particulière de l’humain, doit être débattue. Cette approche s’applique totalement au domaine médical.
XXème siècle : Ethique du care (sollicitude)
Carol GILLIGAN : “Une voix différente”
Dimensions militantes et scientifiques indissociables dans ce livre :
- • Lutte contre le patriarcat
- • Discussion scientifique dans le champ de la psychologie avec les théories du développement et son ancien professeur et collègue Lawrence Kohlberg
- • Gilligan récuse le caractère androcentrique de ces théories qui reposent sur la mise en évidence de stades du développement cognitif et moral des individus à partir de critères qui dévalorisent les performances des filles et des femmes
- • La psychologie du développement, en faisant de l’autonomie et de la rationalité les critères du développement moral, a relégué au second plan d’autres qualités et laissé entendre que les femmes étaient inférieures aux hommes du point de vue de leur développement moral
- • Attention portée à des activités dans lesquelles se développent des aptitudes morales non valorisées
L’idée centrale était de refonder l’éthique sur des valeurs plus fines, intuitives et parfois jugées féminines, telle que l’attention à l’autre, la prévenance ou encore l’entraide. Carol Gilligan établie le nouveau paradigme moral du care comme « capacité à prendre soin d’autrui », « souci prioritaire des rapports avec autrui ».
Selon les théories du care, celui-ci est présenté tantôt comme une disposition (une aptitude), tantôt – ou simultanément – comme une activité (une pratique concrète en général socialement reconnue ou instituée).
XXème siècle : Ethique du respect et de la justice
Paul RICOEUR : “Soi-même comme un autre”
Paul Ricoeur apporte une définition à trois termes de l’éthique :
- – souhait d’une vie accomplie,
- – avec et pour autrui,
- – dans des institutions justes.
Ricoeur définit l’éthique comme une théorie de l’action :
On peut dire, écrit-il, que l’éthique considère l’intérêt des personnes dans le champ de l’action, (qui a fait – ou qui va faire- quoi ? pour qui, et pourquoi ?).
Paul Ricoeur énonce également qu’il faut prendre en considération le rôle du temps dans la constitution de la personne : «la personne n’existe, écrit-il, que sous le régime d’une vie qui se déroule de la naissance à la mort ». Il définit là une dimension globale de la personne. L’enchaînement d’une vie, de la naissance à la mort, pose le problème de l’identité, dont il distingue deux sens :
- – la mêmeté (le même), réfère à ces caractères d’une substance que le temps laisse perdurer,
- – l’ipséité (le soi-même), désigne l’aspect fluant de la personne, son évolution, sa variabilité.
XXème siècle : Ethique de la discussion
Jurgen HABERMAS : “De l’éthique de la discussion”
Il place l’éthique de la discussion au niveau du bien-être des personnes : savoir donner importance au point de vue de chacun.
Nous déterminons si une règle de conduite et d’action ou un comportement sont moraux par une discussion qui doit ressembler autant que possible à une situation de liberté de parole absolue et de renoncement aux comportements « stratégiques ».
L’éthique de la discussion repose sur le respect de règles de mise en œuvre pour chaque personne qui souhaite entrer dans cette démarche :
- • comprendre que l’éthique réside dans la recherche de la négociation des conflits (démarche d’exploration et, si possible, de résolution, visant à trouver une issue au conflit au- delà de son propre point de vue) ;
- • prendre en compte les intérêts des personnes pouvant être affectées par la situation examinée ;
- • tenir compte des jugements de chaque partie prenante, admettre le pluralisme, respecter l’autre dans son autonomie et sa liberté (reconnaître tout individu comme agent moral, au sens kantien ;
- • accepter
la décision collective comme la meilleure (ou la moins mauvaise) solution.
Au lieu d’imposer à tous les autres une maxime dont je veux qu’elle soit universelle, je dois soumettre ma maxime à tous les autres afin d’examiner par la discussion sa validité collective.
Ainsi s’opère un glissement : le centre de gravité ne réside plus dans ce que chacun souhaite faire valoir, sans être contredit, mais dans ce que tous peuvent unanimement reconnaître comme une norme partagée. Il s’agit de construire ainsi un espace de démocratie délibérative.
Si l’on ne peut pas s’entendre sur des valeurs morales, on peut – on doit ? – s’entendre sur les principes de la discussion (admettre des règles). Vers la décision : consensus / compromis :
Consensus :
Un consensus est un accord général (manifeste) parmi les membres d’un groupe. Le consensus se refuse à entériner un choix qui n’aurait pas l’accord de tous.
Compromis (un terrain d’entente minimal) :
- • On se range à l’avis du plus grand nombre ou de la majorité ou bien on s’en remet à une autorité de décision (exemple : expert extérieur, chef de service, juge, autorité administrative).
- • Mais…tout en respectant et en protégeant ceux qui n’adhèrent pas (ex : respect de la clause de conscience) / il n’y a pas violence ou rejet de l’autre / dans l’idéal pas de sentiments de victoire ou d’échec.
- • Permet l’action : le désaccord de certains ne bloque pas l’agir confié à d’autres
Cependant, avoir toujours à l’esprit qu’il peut en résulter une insatisfaction des parties, car personne n’est totalement satisfait.
La culture de la co-décision et la collégialité, fondement de la démocratie sanitaire
XXIème siècle : Ethique minimaliste
Ruwen OGIEN : “L’éthique aujourd’hui : Maximalistes et minimalistes”
« L’éthique que je défends est minimaliste en ce sens très simple qu’elle pourrait se résumer à un seul principe, dont la pauvreté est assumée : ne pas nuire aux autres. (…) En conformité avec ce principe minimal de non-nuisance, je soutiens la liberté de faire ce qu’on veut de sa propre vie et de ses pensées, du moment qu’on ne nuit pas intentionnellement aux autres, ce qui implique, en référence à certaines questions de société très débattues aujourd’hui, la dépénalisation du cannabis, de toutes les formes de relations sexuelles entre adultes consentants, et de l’aide active à mourir pour ceux qui en font la demande. »
XXIème siècle : Ethique de la vulnérabilité
Joan TRONTO : “Un monde vulnérable”
« Activité caractéristique de l’espèce humaine, qui recouvre tout ce que nous faisons dans le but de maintenir, de perpétuer et de réparer notre monde, afin que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nos personnes et notre environnement, tout ce que nous cherchons à relier en un réseau complexe en soutien à la vie »
Le care met en jeu différentes notions :
Attention : le premier aspect du care est défini comme caring about, « se soucier de » : il s’agit de constater l’existence d’un besoin, de reconnaître la nécessité d’y répondre, et d’évaluer la possibilité d’y apporter une réponse.
Responsabilité : vient ensuite l’aspect du taking care of, « prendre en charge » : assumer une responsabilité par rapport à ce qui a été constaté, c’est-à-dire agir en vue de répondre au besoin identifié.
Compétence : suit la dimension du care giving, « prendre soin », qui désigne la rencontre directe d’autrui à travers son besoin, l’activité dans sa dimension de contact avec les personnes.
La capacité de réponse : Tronto termine sa description du processus du care par le care receiving, « recevoir le soin ». Pour le « donneur » de soin, il s’agit de reconnaître la manière dont celui qui le reçoit réagit au soin. C’est la seule manière de savoir si une réponse a été apportée au besoin, autrement dit, de voir si le soin a produit un résultat.