Vaccination et politiques vaccinales : principes généraux et enjeux éthiques

Au-delà des enjeux actuels – et pour certains spécifiques – concernant la vaccination contre la COVID-19, il s’agit ici de rappeler les principes généraux et les principaux enjeux éthiques de la vaccination et des politiques vaccinales.(...) Guillaume Grandazzi
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Vaccination et politiques vaccinales

Principes généraux et enjeux éthiques

Si l’histoire de la vaccination commence au 18e siècle avec la vaccine de Jenner contre la variole, c’est au 19e siècle qu’elle devient une pratique universelle avec la découverte, par Pasteur, de vaccins préventifs contre plusieurs maladies infectieuses. La plupart des pays ont mis en place des politiques vaccinales avec l’appui des agences internationales. Des vaccins permettant de protéger les populations contre une vingtaine de maladies mortelles sont actuellement utilisés, et on estime que 2 à 3 millions de décès sont évités dans le monde chaque année grâce à la vaccination. Dans les pays industrialisés, les succès obtenus dans la lutte contre les maladies infectieuses, notamment grâce à la vaccination et aux politiques vaccinales qui se sont développées tout au long du 20e siècle, ont contribué à ce que ces maladies s’effacent de la mémoire collective, les familles n’étant plus confrontées à la perte d’un nourrisson du fait de maladies infectieuses autrefois fréquentes, et les professionnels de santé étant eux-mêmes rarement ou jamais confrontés à ces maladies dans leur pratique professionnelle. Si la couverture vaccinale est très élevée dans certains pays et contre certaines maladies, elle est globalement très inégale. Par ailleurs, on constate une perte de confiance préoccupante des populations envers la vaccination et une diminution de la couverture vaccinale dans les pays où les vaccins sont disponibles et étaient auparavant largement acceptés. La campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) en 2009 a été un échec dans la plupart des pays développés, et on constate depuis 10 ans une multiplication des épidémies de rougeole.

Apparue en 2006, la notion d’« hésitation vaccinale » a donné lieu à la mise en place en 2012 d’un groupe de travail de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et a été considérée en 2019 par cette même organisation comme l’une des 10 plus grandes menaces à la santé mondiale, l’hésitation vaccinale regroupant les attitudes de réticence ou de refus vis-à-vis des vaccins (c’est-à-dire ni une acceptation inconditionnelle des vaccins ni un antivaccinalisme). En France, les personnes réticentes à la vaccination représentaient jusqu’à la fin des années 2000 environ 10 % de la population. Après l’épidémie de grippe H1N1 de 2009, les réticences vis-à-vis de la vaccination augmentent, et les études montrent que jusqu’à 45 % des Français doutent de la sécurité des vaccins, faisant de la France dans la dernière décennie le pays où l’hésitation vaccinale serait la plus importante.

Au-delà des enjeux actuels – et pour certains spécifiques – concernant la vaccination contre la COVID-19, il s’agit ici de rappeler les principes généraux et les principaux enjeux éthiques de la vaccination et des politiques vaccinales.

Stratégies vaccinales et immunité collective

Les stratégies vaccinales poursuivent trois objectifs principaux :

  1. La vaccination du plus grand nombre de personnes possible pour protéger chaque personne contre la maladie. C’est par exemple le cas de la stratégie vaccinale appliquée aux nourrissons en France.
  2. La vaccination ciblée, visant la protection de groupes sensibles, par exemple des personnes exposées à certains risques (professionnels de santé, voyageurs se rendant dans certains pays) ou des personnes vulnérables (en vaccinant les personnes en contact personnel ou professionnel avec elles).
  3. La recherche de l’immunité de la population, en atteignant ce qu’on nomme l’immunité collective. En effet, la vaccination de chacun contribue à la protection de tous, notamment ceux qui n’ont pas été ou ne peuvent être vaccinés, l’immunisation du plus grand nombre empêchant l’agent infectieux de se propager aux personnes sensibles ou vulnérables.

On peut considérer l’immunisation de la population contre certaines maladies comme un bien commun ou collectif qui permet la protection des personnes les plus vulnérables mais aussi la réduction des inégalités sociales. Elle permet également la réduction des dépenses de santé en raréfiant la survenue d’épidémies ou en éradiquant certaines maladies. Cependant, pour atteindre l’immunité collective, la couverture vaccinale de la population doit dépasser 85 %, voire 95 % pour certaines maladies.

Motivations et freins à la vaccination

Pour chacun, le bénéfice le plus direct de la vaccination tient à la protection obtenue contre l’infection et la maladie pour soi-même et les personnes proches, mais également au fait de se savoir et de savoir ses proches protégés. En se vaccinant, chacun contribue à la réduction de la transmission de la maladie et donc à la protection des autres, proches ou moins proches. Dans certains cas, l’enjeu de la vaccination peut être davantage de protéger les autres que soi-même (par exemple les fœtus, femmes enceintes, personnes immunodéficientes, etc.). L’opportunité de participer à l’effort commun permettant d’atteindre ce bien public que constitue l’immunité collective peut aussi apparaître comme un bénéfice individuel indirect, la motivation altruiste jouant un rôle dans la prise de décision concernant la vaccination.

Les risques liés aux maladies concernées jouent un rôle majeur dans les motivations concernant les décisions de se faire vacciner. Toutefois, d’autres risques, réels ou perçus, peuvent conduire à l’inverse au refus des vaccinations proposées, qu’elles soient obligatoires ou recommandées. Malgré les précautions prises avant l’autorisation de mise sur le marché des vaccins, des risques et des effets indésirables liés aux vaccins peuvent exister, et la vaccination n’est jamais totalement sans danger. La façon dont les populations comprennent et interprètent les risques est variable, notamment concernant les risques d’effets indésirables graves bien que peu fréquents. Les soupçons de corrélation entre un vaccin et certaines pathologies peuvent susciter des appréhensions et de la défiance à long terme, quand bien même des données probantes montrent ensuite l’absence de causalité. Si la communication des autorités publiques doit être transparente, elle est périlleuse dès lors qu’elle porte sur des risques émergents et des données non scientifiquement consolidées. Dans la mesure où dans de nombreux pays, les maladies contre lesquelles une vaccination est proposée ne sont plus du tout familières (notamment grâce à une couverture vaccinale importante), et où les vaccins sont généralement proposés aux personnes en bonne santé, le risque d’être atteint par une maladie infectieuse peut être jugé moins important que celui d’être affecté par des effets indésirables de la vaccination. Par ailleurs, à l’heure de la médecine personnalisée, certains peuvent être tentés d’accorder une importance accrue à leurs caractéristiques personnelles, leurs habitudes de vie, leurs antécédents familiaux, etc., plutôt que sur les données probantes de santé publique établies à partir d’études scientifiques menées sur des populations importantes.

L’information délivrée et reçue sur les vaccins peut influencer fortement les décisions prises concernant le fait de se faire vacciner ou non, ou de faire vacciner ou non ses enfants. Des études ont montré que les professionnels de santé ont un rôle important quant à l’information délivrée. En effet, les personnes informées par ces derniers, ou par des sources officielles, pensent davantage que les vaccins sont sûrs et se vaccinent plus. Le Baromètre santé 2016, en France, indique que 77 % des personnes interrogées citent d’abord le médecin pour obtenir de l’information sur les vaccins, loin devant internet (12 %), les proches (4 %) et un pharmacien (2 %), et 93 % font confiance à l’information délivrée par le médecin. L’accessibilité, la pertinence et l’adaptation de l’information délivrée aux populations cibles constituent également des éléments importants.

Les médias traditionnels (télévision, radio, presse) ont été historiquement particulièrement influents. Des liens ont été mis en évidence entre la couverture médiatique des controverses et le niveau de confiance de la population envers les vaccins, particulièrement en France.

Le développement massif d’Internet, des réseaux sociaux et des applications de messagerie a permis une diffusion rapide et mondiale de contenus relatifs aux vaccins, provenant notamment d’acteurs de la santé publique. Toutefois, ces nouveaux médias permettent également la diffusion virale de fausses informations ou d’informations contradictoires. L’information sur la vaccination est parfois instrumentalisée à des fins commerciales ou malveillantes, et cette désinformation contribue à créer de la confusion et de l’anxiété à propos des vaccins chez ceux qui y sont exposés, voire à retarder ou refuser la vaccination.

Le manque de confiance envers les vaccins et les politiques vaccinales peut être lié à la suspicion portée à l’encontre de l’industrie pharmaceutique et de son rôle dans l’élaboration des stratégies vaccinales. Ou encore aux interactions antérieures avec le système de santé, pendant lesquelles ont pu être vécues des expériences négatives relatives à l’accessibilité ou la qualité des soins. D’autres encore peuvent voir la vaccination comme une solution technique facile qui ne s’attaque pas aux problèmes socioculturels et structurels qui affectent la santé des populations, et en particulier à la question des inégalités socioéconomiques. Certains, enfin, dans un contexte où l’autonomie individuelle est mise en avant et valorisée, contestent l’acceptation inconditionnelle des politiques vaccinales au nom de l’exercice de leur autonomie, de leur liberté de penser et de leur capacité à être responsables de leur propre santé ou celle de leurs enfants.

Les normes sociales, et notamment celles partagées au sein des groupes d’appartenance, influent sur les décisions concernant la vaccination, et la favorisent lorsque celle-ci est considérée comme un acte normal à réaliser. Les valeurs religieuses ou spirituelles peuvent également influer sur les décisions de façon positive ou négative, en particulier les valeurs encourageant à protéger la vie ou celles relatives à la pureté du corps. Certains contestent les matériaux contenus ou utilisés dans la production des vaccins, pas seulement du point de vue des risques potentiels encourus mais également au regard de leurs valeurs personnelles ou religieuses. D’une manière générale, les autorités religieuses ont un discours favorable aux vaccins, seules les marges fondamentalistes ou intégristes des religions refusant la vaccination. Le rapport 2018 de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) note que les épidémies récentes de rougeole ont davantage concerné les réseaux de populations non vaccinées en raison de leurs convictions religieuses ou philosophiques.

Les campagnes d’information et d’éducation à la santé concernant la vaccination peuvent viser à favoriser une décision éclairée concernant les pratiques vaccinales, à répondre aux désinformations ou aux inquiétudes, et à promouvoir des messages positifs sur la vaccination. Sans doute, les professionnels de santé, du fait de la confiance dont ils jouissent dans la population, ont un rôle important à jouer dans l’information et les conseils délivrés à leur patientèle. Toutefois, eux-mêmes peuvent partager certaines interrogations ou préoccupations concernant les vaccins et rencontrer des difficultés pour répondre aux inquiétudes exprimées par les patients. Les contraintes de temps et la charge de travail des professionnels de santé peuvent également constituer un frein au développement d’une relation de confiance avec leurs patients, indispensable pour qu’ils soient en capacité de discuter en profondeur des préoccupations exprimées.

Enjeux éthiques des politiques vaccinales

Les décisions concernant l’opportunité et la manière de mettre en œuvre les politiques vaccinales, comme celles liées au fait de se faire vacciner ou non, impliquent une négociation complexe prenant en compte à la fois les divers intérêts et préoccupations des individus et des familles, des groupes et communautés dont ils sont membres, et l’intérêt général et les enjeux de santé publique. Lorsque la vaccination fait l’objet d’une politique de santé publique, dans l’objectif d’assurer la protection de toute la population ou de certains groupes particulièrement vulnérables ou exposés à certaines maladies graves, les acteurs de santé publique doivent, par une information adaptée, rechercher une large adhésion de la population afin d’atteindre une couverture vaccinale maximale et éloigner ou éradiquer les maladies ciblées. Cette adhésion de la population peut devenir moindre lorsque le risque lié à la maladie semble avoir disparu, ou à l’inverse lorsque la maladie réapparait car les objectifs de couverture vaccinale ne sont pas atteints.

Le statut immunitaire d’une population vis-à-vis des maladies infectieuses constitue l’un des indicateurs de son état de santé. L’immunité collective, comme évoqué plus haut, est un bien commun qui protège tous les membres d’une collectivité mais qui nécessite la contribution de chacun. Il s’agit d’un patrimoine commun qui résulte de l’action de chacun et dont les bénéfices profitent à tous, mais qui est aussi un patrimoine vivant qui appelle et nécessite la contribution renouvelée des citoyens et des parents pour continuer à produire les effets protecteurs attendus auprès des personnes les plus vulnérables ou exposées.

Comme toute intervention de santé publique, une politique vaccinale est justifiée si elle constitue une réponse adéquate (fondée sur des données probantes), faisable (d’un point de vue organisationnel et matériel) et acceptable par les populations visées et les acteurs concernés par sa mise en œuvre. Cette acceptabilité dépend à son tour de la perception qu’ont les acteurs de l’utilité de la stratégie vaccinale proposée, de la compréhension de son adéquation aux enjeux de santé publique, et de l’adhésion et de l’engagement de chacun, profanes et professionnels. Le souci de l’intérêt général, l’altruisme et la solidarité sont également des éléments essentiels au succès d’une politique vaccinale.

Dans le champ de la prévention et de la santé publique, et en l’occurrence en ce qui concerne les programmes de vaccination, les mesures prises ou envisagées peuvent être plus ou moins directives et donc limiter à des degrés divers la liberté des individus. En théorie, on peut aller de l’absence totale de choix laissé aux individus, en rendant la vaccination obligatoire, à la liberté totale pour chacun de se faire vacciner ou non, sans chercher à intervenir ou influer sur ce choix, en passant par des mesures qui visent à faire adhérer les populations aux propositions vaccinales, parfois par le biais d’incitations. En France, depuis une cinquantaine d’années, les politiques vaccinales reposent à la fois, selon les vaccins et les populations concernées, sur l’obligation et la recommandation.  

D’une manière générale, on constate une meilleure couverture vaccinale pour les vaccins obligatoires que pour ceux qui sont facultatifs ou simplement recommandés. Pour autant, les meilleurs taux de couverture vaccinale sont atteints en Europe dans des pays où les programmes de vaccination reposent sur le volontariat, le caractère obligatoire n’étant pas nécessairement un gage d’efficacité et d’obtention de meilleurs résultats. Dans les pays comme la France qui distinguent vaccins obligatoires et recommandés, on peut constater un moindre suivi des recommandations concernant les vaccins facultatifs, peut-être considérés comme moins importants car non obligatoires. Quand la vaccination des enfants est impérative pour qu’ils aient accès aux lieux d’accueil collectifs (crèches, écoles…), certains parents attendent parfois d’être contraints par cette mesure pour faire vacciner leurs enfants plutôt que de suivre les recommandations relatives à l’âge auquel doivent être administrés les vaccins.

A l’évidence, l’obligation vaccinale heurte certaines valeurs comme l’autonomie, l’autodétermination ou le consentement éclairé, même si elle peut se justifier d’un point de vue éthique quand elle apparait comme la seule façon de protéger les personnes les plus vulnérables ou l’intérêt général. Toutefois, les sanctions prises ou envisagées à l’encontre des personnes non vaccinées (par exemple non admission des enfants à la crèche ou à l’école) peuvent peser plus lourdement sur les personnes issues des milieux les plus défavorisés, interrogeant ainsi le principe de justice. Par ailleurs, le caractère obligatoire, même justifié par les objectifs poursuivis et l’intentionnalité des acteurs de santé publique, peut susciter défiance et hostilité à l’égard des autorités publiques, en particulier dans des contextes de crise sanitaire où la confiance envers les pouvoirs publics peut être déjà mise à mal.

Au niveau international, certains pays utilisent des incitations pour favoriser la vaccination de la population, quand celle-ci n’est pas obligatoire mais facultative. Quand il s’agit d’incitations financières, la question du montant proposé est délicate, d’abord parce qu’elle seront perçues très différemment selon les niveaux de revenus des personnes visées (comme négligeables ou conséquentes), ensuite parce qu’elles peuvent laisser penser que c’est une prise de risque qui est indemnisée ou que le consentement n’est pas complètement libre et éclairé mais dénaturé par un possible intérêt financier. L’interdiction d’accéder à certains lieux comme les crèches et les écoles, et ce même si la vaccination n’est pas obligatoire, peut être dans ce cas considéré non comme une sanction mais comme une incitation négative du fait des conséquences importantes pour l’enfant et les parents du choix de la non vaccination, qui peut de ce fait être difficile ou impossible à tenir.

Si l’attribution d’une récompense pour participer à la protection de la santé d’autrui peut sembler acceptable, elle remet en question les dimensions solidaire et altruiste de la vaccination en misant davantage sur l’intérêt personnel à apporter sa contribution à l’intérêt général. D’autres formes d’incitations non financières sont plus couramment utilisées, inspirées de la théorie du « nudge » ou du paternalisme libertarien. Il s’agit d’influencer les motivations et les prises de décision par des « coups de pouce » et d’amener la population à adopter le comportement attendu sans coercition et sans redouter de sanction. La gratuité des vaccins, l’administration quasi systématique comme elle est proposée aujourd’hui contre la COVID-19 sont des exemples de ces dispositifs visant à amener la population à considérer la vaccination comme l’option standard (par défaut).

Le fait de faire reposer la vaccination sur le volontariat et la liberté de chacun met l’accent sur l’autonomie individuelle et sur la nécessité de faire reposer la décision sur un consentement éclairé, dans la mesure où toute vaccination comporte un minimum de risques. Néanmoins, il s’agit d’une décision individuelle qui a des conséquences pour l’ensemble de la population, conséquences qui peuvent conduire à rendre la vaccination obligatoire. L’obligation vaccinale peut être justifiée par plusieurs arguments : la protection de l’ensemble de la population par la recherche de l’immunité collective, ou la protection des personnes vulnérables ou sensibles notamment. La décision de rendre obligatoire une vaccination doit reposer sur une évaluation comparée du risque lié à la vaccination par rapport au risque lié au développement de la maladie, mais aussi de la gravité du danger que représente la maladie pour la population.

Dans certains cas, l’intérêt personnel de la vaccination est discutable car la maladie ne constitue pas une menace pour une part importante de la population, même si une couverture vaccinale suffisante est recherchée pour immuniser la collectivité. Dans ces cas, dans la mesure où l’intérêt personnel ne peut constituer une motivation suffisante pour atteindre les objectifs visés, il peut être justifié de recourir au caractère obligatoire, ou de recommander la vaccination au nom de l’avantage apporté à autrui et de l’intérêt général.

En ce qui concerne la vaccination des enfants, c’est aux parents que revient la décision de les faire vacciner et de suivre le caractère obligatoire ou recommandé de la vaccination, sauf pour le cas peu fréquent des enfants qui ne peuvent être vaccinés pour des raisons médicales. Cette décision se fonde sur l’intérêt de l’enfant. Mais comme pour les adultes, lorsque l’immunité collective de la population est atteinte, l’intérêt de l’enfant à être vacciné peut être très limité. C’est donc là encore au nom de l’intérêt collectif et du maintien de l’immunité globale que les parents sont invités à adhérer aux politiques vaccinales. Quand bien même l’intérêt personnel de l’enfant est limité, il n’est pas nul et il est du devoir des responsables légaux de l’enfant de le protéger, et donc de prendre des décisions au regard de la vaccination sur la base de considérations rationnelles dans un contexte où les informations reçues et disponibles peuvent être contradictoires. Il convient alors de convaincre les parents et responsables légaux que les données scientifiques prouvent qu’il est utile et nécessaire de vacciner les enfants contre certaines pathologies, même lorsque des traitements curatifs existent et a fortiori lorsqu’il n’existe pas de traitement et qu’il s’agit de pathologies graves et transmissibles. D’un point de vue éthique, il n’est également pas justifiable de vouloir bénéficier ou faire bénéficier son enfant du niveau de protection acquis grâce à la vaccination du plus grand nombre sans vouloir contribuer au maintien de l’immunité collective et à la protection des plus vulnérables dans une logique altruiste et solidaire.

Enfin, comme toute politique de santé publique mais plus encore du fait de la dimension éminemment collective des enjeux, une politique vaccinale doit veiller à trouver un équilibre entre le respect de l’autonomie et des choix de chacun, la protection des plus fragiles et la recherche de l’intérêt général. Ces différents facteurs qui doivent être pris en compte par les acteurs de santé publique ne sont pas nécessairement concurrents ou contradictoires : les individus peuvent être intéressés ou retirer des bénéfices symboliques à agir par altruisme ou solidarité, comme pour le don de sang ou de gamètes, et à l’inverse une vaccination motivée par l’intérêt personnel d’être et de se savoir protégé n’en bénéficie pas moins à la collectivité.

Guillaume Grandazzi